Un éclairage sur le confessionnalisme libanais et son impact sur l’éducation
Le Liban est une république démocratique parlementaire ainsi qu’une nation multiculturelle et multiconfessionnelle, et à ce titre, une exception au sein de la région du Proche-Orient. Comme toute exception, elle bénéfice d’une attention toute particulière, poussant à vouloir saisir les enjeux importants qui se déroulent au sein d’une myriade de peuples, d’une multitude d’intérêts divergents dans l’application, mais en réalité visant toujours à agir pour le bien commun.
Loin d’être un spécialiste de la politique libanaise, et assez sage pour me préserver de quelque jugement que ce soit, je vais tâcher de livrer les enjeux et questions que je me pose face à un sujet faisant couler tant d’encre, et dont l’analyse est loin d’être une évidence. En effet, on ne peut aborder le sujet avec un prisme de lecture classique, j’entends par là, ne tenant pas compte d’une multitude de facteurs, car l’erreur serait en effet, fatale.
Son indépendance acquise en 1943, le Liban, auparavant sous tutelle française, fut organisé selon un mode inspiré de « cartésianisme constitutionnel et d’anthropologie communautaire », selon les mots de Xavier Baron. Ainsi figure dans le préambule de la constitution libanaise ajouté le 21 septembre 1991 : « la suppression du confessionnalisme politique constitue un but national essentiel pour la réalisation duquel il est nécessaire d’œuvrer suivant un plan par étapes. » Avoir conscience des dysfonctionnements est le premier pas de la réforme, et le temps est le facteur indétrônable de tout changement. Si un système est modifié en profondeur, les mécontents seront bien entendu présents mais la démarche s’inscrit dans le temps long. Cela nécessite d’avoir le courage de mettre en œuvre des réformes dont les résultats les plus probants ne seront pas immédiats, souvent attendu à une échelle de 2 à 5 ans. Le temps passe mais l’être humain ne change pas, et sans contexte spécifique, nos préoccupations sont peu ou prou les mêmes que celles de nos ancêtres.
L’éducation fait partie des sujets à traiter sur le temps long, car nécessitant une adaptation perpétuelle aux évolutions de notre temps, avec une obligation d’anticiper pour ne pas se voir pris de cours. Le système éducatif n’est en effet pas une variable facile à manier, et encore moins lorsque des directives communes sont peu claires, ou absentes, ceci étant induit par la pratique du confessionnalisme.
Le système libanais fonctionne sur la séparation des pouvoirs selon les confessions, proportion qui posent des interrogations, car les chiffres du dernier recensement sont de 1932, d’après le gouvernement français de l’époque. Les populations chrétiennes sont représentées par des maronites, des grecs orthodoxes, des melkites, des catholiques romains, des protestants, ainsi que d’autres groupes confessionnels. Les musulmans sont représentés par les chiites, les sunnites, les alaouites, les ismaélites et également d’autres confessions. Cette simple énumération montre l’étendue des valeurs qui peuvent s’opposer au sein d’une même nation, qui veut néanmoins préserver cette ferme volonté d’unité.
Une des conséquences de cette politique est la multiplication des écoles communautaires. En effet, est inscrit dans la Constitution la prédominance de la « liberté scolaire » pour les 17 communautés, et ce afin d’empêcher toutes discrimination. Force est de constater que 64% des élèves se retrouvent en école communautaire, privée, lorsque 32% se retrouve dans une école publique plus faiblement dotée. La pluralité est admise comme socle commun à la nation libanaise, et il va de soi que cela représente une chance. Néanmoins, elle nécessite d’être accompagnée en parallèle de la propagation de valeurs communes autour desquels les enfants peuvent s’identifier, non pas en tant que chrétien ou musulman, mais également en tant que Libanais, et surtout en tant qu’être humain appartenant à un large ensemble vivant, qu’il convient de respecter.
L’un des désavantages de la pluralité se retrouve dans la favorisation des inégalités sociales, mais rare sont les systèmes éducatifs que l’on ne blâme pas de ces maux. Le taux de réussite au baccalauréat de français est en effet en moyenne 10% supérieur dans le privé que dans le public, selon les chiffres de la sociologue Maissam Nimer. Une autre des problématiques qu’elle souligne, est le manque d’universitaires pour enseigner, et de professeurs en général, face à des populations réfugiées de plus en plus nombreuses avec qui il est absolument vital de partager la connaissance.
Si le Liban est en première ligne face à ces problématiques, nous pouvons trouver des solutions car la mondialisation trouve sa réelle splendeur dans le fait de pouvoir aider n’importe qui, pour peu qu’on en éprouve la volonté.
Anis Mokhfi
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